ALLA BREVE ...
Août 2009
Une
excellente surprise à un détour de chemin, non loin de Martres (31): si
vous vous baladez entre Aurignac et Boussan, à un jet de pierre d'Allan
avec son vieux palais des Evêques de Comminges (la vache d'Allan), il
faut aller à la Maison Patrimoniale de Barthète, ancien établissement
thermal reconverti en lieu de vie et d'expo par Suzanne et Claude Légé
qui ont su en faire un espace remarquable.
Les
Légé y présentent leur propre collection essentiellement faite de
carreaux émaillés de la région mais aussi de provenance étrangère, avec
un soin amoureux; je retrouve l'émotion qu'avait suscité en moi, en mai
dernier, la visite du Musée Ingres de Montauban et la découverte de ses
faïences.
Le
lieu est élégiaque, harmonieux
; perdu dans le bruissement assourdi de cette belle campagne, il
invite à une écoute tranquille, à la rêverie paisible, au lâcher-prise.
Lieu choisi. A lui seul, il justifie une visite.
Les
Légé accueillent également des artistes en résidence, et la qualité de
travail d'un Guy Reid qui y présentait quelques sculptures invite à
suivre l'artiste.
http://www.barthete.
Dans
un registre plus artisanal, et dans un coin très différent puisqu'on se
rapproche de Saint Lizier, un potier revenu du raku produit des flammés
aux formes d'un grand classicisme -ne retrouve-t-on pas de ces formes
romaines ou grecques négligées depuis longtemps- et qu'il parvient à
rendre originales, et aux couleurs inhabituelles. Il s'agit d'Allan
Desquins à Montastruc de Salies au lieudit Pallas.
Allan
s'est installé avec quelques compères dans une ancienne tuilerie dont
le matériel resté en place est sans doute largement obsolète mais
fonctionne bien. Entr'aperçu au cours de ma visite des travaux en
porcelaine réalisée par l'une des artistes absente à ce moment, de la
légèreté, de la grâce, aucune mièvrerie. Envie d'en voir plus.
Mai 2008
Escale à
Montauban, que j'avais prévue pour visiter le musée
Ingres. D'emblée, je suis frappé par la qualité
des présentations. Ceci étant, la collection de
peintures est intéressante, non pas tant pour les
tableaux d'Ingres car le musée ne possède pas d'oeuvre majeure, mais pour la collection personnelle que
l'artiste
avait constituée, des copies d'antiques ou d’œuvres
plus anciennes ou contemporaines,
qui en dit long sur les références artistiques
personnelles du peintre.
Emerveillement devant les dessins, protégés dans de grands
tiroirs métalliques, fort commodes d'accès et qui s'ouvrent dans le doux
ronronnement de roulements à billes bien graissés, ambiance de bibliothèque
savante, favorisant une application studieuse. Voir ces dessins, et l’évidence
s’impose : Ingres fait partie de ces immenses artistes dont la manière
repose sur une technique parfaitement maîtrisée.
Au
sous-sol, une collection de faïences somptueuses -des montaubans,
des negrepelisses d'une grâce
admirable. Je ne peux pas m'empêcher de radoter ma vieille
rengaine, l’œuvre
d'art ne perd rien à être appliquée sur un support
utilitaire, malgré qu'en aient certains. Rêverie sur cet
univers domestique où chaque écuelle, chaque cache-pot,
chaque plat était revêtu
de ces magnifiques décors floraux, de ces figures
élégantes qui frôlent parfois
la mièvrerie, sans y tomber jamais.
J'ai
brutalement ressenti un
malaise à la pensée que tout ce décor floral
n’était pas réduit à ces
jolités
décoratives que je lui trouve, mais qu’il
évoquait aussi une foule de sentiments
humains riches -amour, attachement, humilité en
fonction d'un code symbolique connu de tous. La
violette, la rose, le chêvrefeuille avaient alors une
signification familière aux gens de l’époque,
alors que ces fleurs sont, pour nous, dépourvues de toute valeur
autre que décorative.
J'étais déjà bien conscient de l'oubli de la
mythologie, des références religieuses ou historiques.
Qui sait encore ce que représente
cette gracieuse figure féminine accompagnée d'un cygne
qu'elle enlace, ou ce
vieillard décharné abîmé dans sa lecture et
dont la nudité déplaisante à voir
est hâtivement cachée sous un pan d'étoffe pourpre
? Bien que je ne sois pas complètement nul dans ces domaines,
j'étais moi-même passé à côté
du sens de ce
bas-relief
hellénistique du Louvre dont je n'avais relevé que
la beauté plastique, avant de découvrir que la
représentation avait certes une valeur esthétique
mais que son but était, avant tout, d'enseigner une
leçon morale stoïcienne de première bourre. Cette
perte du sens était limitée en ceci qu'elle n'affectait
qu'un public cultivé, et très restreint.
Mais les fleurs
... ! Quelle fille de cuisine ne savait pas ce que son galant voulait
lui dire en lui glissant un brin de myosotis, et ce que proclamait la
fleur d'oranger fièrement arborée par la jeune
mariée ? Je prenais conscience de la disparition de
tout un langage populaire, et du vide d'un monde qui n'est plus
peuplé de cette quantité de signes qui sonnaient jadis
comme autant de rappels de sentiments humains, de désirs, de
joies et de peines, le deuil du chrysanthème, la passion de la
rose rouge, la fragilité du bonheur murmurée par
l'églantine. Sentiment d'effroi provoqué par la
disparition d'un monde, dont le naufrage ne laisse que de jolies épaves sur la grève.
Février 2008
Deux
expos qui ont brutalement accéléré mes pulsations.
Coup
de passion pour une expo d'oeuvres de RICHARD DAVIES qui se tient actuellement à la Bibliothèque Nationale,
site Richelieu, dans la Crypte. A ne pas manquer. Je n’ai pas les horaires
exacts, je crois que ça tient tout le mois de février.
Par
erreur, je croyais me rendre au vernissage d’un photographe, Carl de Keyser, le
flyer aux couleurs saturées m’avait préparé à un monde aux teintes affirmées
sans inhibition ; j’ai été pris à contre-courant par les gravures et, je
crois, quelques monotypes de RICHARD DAVIES (1945-91), tout dans la fulgurance qui
a fracassé mes a-priori.
Malheureusement,
des impératifs personnels, la queue qu’il avait fallu faire pour ce vernissage
ne me laissaient qu’un grand ¼ d’heure, suffisamment pour tomber épris de ce
regard aiguisé mis au service d’un imaginaire riche et complexe, aux retentissements que
j’ai envie de qualifier de proustiens. L’artiste a beaucoup vu, retenu
l’essentiel pour élaborer son propre langage qui ne constitue pas un type nouveau
de représentation dont l’artiste n’a pas besoin pour s’exprimer, mais qui n’en
laisse pas moins de charmer par son équilibre grave et son audace, allant
jusqu’au noir presque total –par romantisme, sans doute, je lui prête une
prescience de sa mort prochaine, une profonde mélancolie inhérente à
l’existence., tout est dit et rien ne l’est, c’est parfois poignant mais
toujours avec discrétion. Elégance de Davies de ne pas gratter jusqu’à l’os.
Rencontré
à ce vernissage une jeune graveuse, IRIS FOSSIER, qui expose des gravures, des
peintures sur papier marouflé sur toile, quelques sculptures au CROUS BEAUX
ARTS, 11 rue des Beaux Arts à Paris (75006) jusqu’au 2 février.
Formation Arts Déco, actuellement pensionnaire à la Casa Velasquez, Iris
Fossier allie une formidable maîtrise du dessin gravé qui la place dans la
grande tradition classique et un sens décoratif inné qui pourraient la conduire
à l’académisme le plus sec –mais qu’on ne s’y trompe pas, Iris a du talent, et
un regard qui n’a rien de frelaté. Aucune concession à la couleur, des
demi-teintes dans la grisaille, j’ai eu l’impression de croiser un vieux renard
tout jeune, lancé sur une piste, et à qui on ne la fait pas. A suivre.